samedi 23 novembre 2013

Pampa humeda

Quitter Buenos Aires est facile ; l'avantage des plans en damier. L'avenue de l'Indépendance est bientôt prolongée par la route 3, qui est la route atlantique pour la Patagonie.


Il me faut faire plus de cinquante kilomètres pour quitter la zone périurbaine de la capitale argentine et retrouver la campagne.

A Canuelas je quitte provisoirement la route 3 qui se transforme en autoroute et prend les chemins de traverse par la route 205 qui passe par Lobos, ville de naissance du général Péron, époux de l'inévitable Evita dont le musée de Buenos Aires en fait un portrait élégiaque.


Un petit crochet par le reposant lac de Lobos pour passer une première nuit reposante.










La Pampa humide que je traverse par ces routes plates et rectilignes devient vite ennuyeuse avec ses paysages monocordes de prairies et de pâturages.









Les Argentins m'encouragent souvent d'un coup de klaxon, et s'arrêtent parfois pour me donner des fruits, un bout de salami ou de fromage du pays. Ça motive.
Mais quand le vent décide de changer de sens et de souffler du sud, alors tout devient plus difficile. Aujourd'hui 40 kilomètres, demain, si le vent tourne, 150.

Le soir, quand j'arrive à trouver un coin de bivouac, je peux enfin profiter de cette pampa brûlée par le soleil qui peu à peu se teinte de couleurs moins vives sous la lueur de la lune.
Dans la pampa, il faut savoir se contenter de peu. 

 
A partir de Guamini, la route connaît quelques ondulations et la Sierra de Cura Malal se profile à l'horizon. Il était temps. Après plus de 500 kilomètres de plat intégral je commençais à me languir du relief.



Pigüe s'étend au pied de la montagne. Un couple d'Argentins croisés à Daireaux deux jours plus tôt m'avaient conseillé de m'y arrêter.
A la fin du dix-neuvième siècle des Aveyronnais en manque de travail avaient décidé de s'y installer. La colonie fut donc développée par ces Français du sud dont il reste encore quelques descendants parlant la langue du pays. J'ai eu beau demander aux commerçants aucun ne parle la langue de Molière.



Restent quelques noms de rue au nom évocateur...




C'est finalement au parc des sports faisant aussi office de petit camping que je croise ces Français tant recherchés.
Aurélie, Gildas et Antoine se sont faits déposer à Pigüe pour la même raison que moi. Partis pour dix mois de voyage sur le continent sud-américain, ils ont démarré à Buenos Aires. En stop, en bus et peut-être plus tard à vélo, un beau voyage se profile à l'horizon avec un bon état d'esprit tourné vers les rencontres.
Le matin de notre départ, Aurélie est déjà partie à l'heure de la photo. Mais je la recroiserai au supermarché.


Cette fois-ci je quitte la route à camions et m'évade dans les Sierras de Cura Malal et de la Ventana par les pistes et les demi-routes.


 vaches troglodytes ?

 cerro de los 3 Picos (1239m)





Les bivouacs au bord des ruisseaux y sont réparateurs et les paysages pourraient effectivement faire penser à ces départements arides et magnifiques du sud de la France.

La traversée de la Pampa humide prend fin avec mon arrivée à Bahia Blanca, villa animée et industrielle de plus de 300 000 habitants qui possède la plus grande base navale d'Amérique du sud.



Pas la meilleure étape du parcours. A plusieurs reprises, les commerçants chez qui je m'arrête me conseillent de garder l’œil sur le vélo, car en moins d'une minute il pourrait disparaître.
Je ne sens pas non plus un climat d'insécurité, mais je reste prudent quant à mes affaires.

Un jour de repos ici avant d'affronter à nouveau les routes plates et venteuses...



mercredi 13 novembre 2013

ciudades de la Plata

Avec mon arrivée sur les rives du Rio de la Plata commence une virée très urbaine.
Montevideo d'abord est l'occasion d'un premier épisode de repos après des journées de vélo quasiment ininterrompues depuis Porto Alegre.

Mes excursions se limitent autour du Centro et de ses petits musées : celui des Gauchos que je côtoie depuis plusieurs jours ; musée des arts précolombiens qui laissent peu de place aux premiers habitants du Continent.

Le musée de l'automobile est bien situé : l'accès se fait par un garage bien fréquenté par les voitures contemporaines.


Celles plus antiques m'attendent au sixième étage. L'occasion de leur donner une place sur ce blog. Elles me stressent souvent pendant mon voyage, mais celles ci sont devenues inoffensives.
Ce sont de belles pièces de collection qui montrent l'intérêt du pays pour l'industrie auto depuis sa création à la fin du 19ème siècle.

La Delin, produite en Belgique en 1900, est la plus ancienne du pays. Il en existe que deux autres au monde.


Cette Rago de 1967 est issue de la production nationale.


Renault est à l'honneur, avec la Frégate de 1955 ou la Floride de 1961.



La Grègoire de 1906 fut fabriquée à Poissy par la compagnie éponyme qui périclita en 1924.


Et pour finir, deux voitures de prestige : cette Rolls Royce de 1969...


et cette Ford Torino de 1970 chère à Clint Eastwood


Je termine cette première journée par le quartier du port, où je retrouve mes porte-containers


Le théâtre de l'Odéon a dû connaître des heures plus glorieuses


Le mercado central commence à fermer ses portes en ce début de soirée


Le lendemain je cours à la gare routière pour acheter mon billet de bateau pour l'Argentine. Deux agences principales assurent la liaison entre Colonia del Sacramento et Buenos Aires : « Buque Bus » dont m'a parlé l'office de tourisme, et « Colonia Express » que j'ai trouvée sur le net et qui pratique des tarifs moitié moins chère que la première. J'y achète donc mon sésame pour le grand Sud.

Le stade olympique, estampillé monument du football par la FIFA n'est pas très loin, je fais donc la visite du musée.


Les Uruguayens ne sont pas rancuniers


Mais ils ont gagné la Coupe bien avant nous, en 1930, après deux titres olympiques


La culture foot est en tout cas bien présente de ce côté du globe


Retour en ville par le Parque Rodo


200 kilomètres me séparent de ma dernière ville uruguayenne. La route 1, plutôt plate et ennuyeuse, m'y conduit en deux jours. Vaine tentative de longer la mer car la route côtière n'offre aucune continuité.
J'avance donc sans entrain entre les palmiers.



J'arrive le soir à temps à Colonia del Sacramento pour assister avec les autres spectateurs au coucher de soleil sur Buenos Aires.


Plata signifie argent en espagnol, mais ce soir le ciel du Rio se teinte d'or...






















Le quartier historique de Colonia est inscrit au patrimoine de l'Unesco depuis 1995.
Fondée par les Portugais, la ville témoigne encore de ses origines lusophones.
La rue des soupirs a gardé son pavé originel et les maisons qui la bordent datent de la première période coloniale.


La casa de Nacarello date de la même époque.


En arpentant les ruelles et les places j'entre dans l'histoire de l'Uruguay, à l'époque où la région fut le centre de la lutte entre les deux empires ibériques et qui a conduit à la naissance de la nation uruguayenne en 1828.




Le centre culturel présente de façon amusante sous forme de frise dessinée l'histoire du pays depuis les Amérindiens Charruas jusqu'à l'époque contemporaine.

découverte du Rio de la Plata par Juan Diaz de Solis en 1516


fondation de Colonia en 1680 par le Portugal sous le commandement de Manuel Lobo


début du commerce triangulaire


exploration des côtes par Darwin en 1833 et colonisation agricole par des Italiens, Allemands et Français


naissance du tourisme



La gare maritime pour Buenos Aires est un vrai capharnaüm. Les bateaux des trois compagnies (il faut rajouter Seacat aux deux autres) partent quasiment à la même heure et le double contrôle des passeports (Uruguay et Argentine) est commun à tous les passagers.
Une histoire de gestion de files qui me rappelle vaguement quelque chose.

La première image de Buenos Aires est bien floue à travers les vitres du ferry ; je ne regrette pas mon coucher de soleil d'avant-hier.


La deuxième impression est la meilleure ; je débarque ce dimanche en plein marché aux antiquités dans le quartier de San Telmo qui jouxte le port et où je réside.
Des ustensiles de tous genres côtoient des fruits ou des affiches de Belmondo, le tout accompagné de musiciens et artistes de rue. Un bon bain de foule qui se prolonge jusqu'au soir.





Le jour suivant est consacré à Paulo. La transmission a déjà bien souffert. Je change tout.
Via les forums je récupère l'adresse d'un magasin de vélo qui doit faire l'affaire. Situé près du périph c'est parti pour une ballade de 15 kilomètres à travers les boulevards de Buenos Aires.
Doubler les taxis qui roulent au pas pour ne pas rater un client ; éviter les bus qui roulent à tombeau ouvert et déboîtent à tout va entre deux arrêts ; anticiper les feux en évitant les piétons. Je me mets dans la peau d'un coursier, un peu border line comme à Porto Alegre mais je m'amuse bien ; pas si tripant qu'une descente de col mais c'est le pied quand même.

Le magasin ne répare pas les vélos, mais il m'en indique un autre situé treize blocs plus loin. Après trois blocs je trouve un vélociste où je m'arrête. Lui il répare mais ne possède pas de cassette à 9 vitesses. Bizarre. Les vélos qu'il vend ont des pignons à 9 vitesses.
Je reviens au premier magasin, qui après recherche me trouve une cassette à neuf pignons et un jeu de trois plateaux, que j'achète à un prix raisonnable.
Je retourne au deuxième magasin avec mon matériel neuf, mais le vendeur me propose une somme astronomique pour le montage.
Retour à la case départ, chez le premier vélociste, qui me dit que ce réparateur est un c... et qui me donne l'adresse de celui qui me fera la réparation à moitié prix, et en plus je récupère Paulo quasiment flambant neuf en début de soirée. Nouveau pneu arrière, nouveaux câbles de frein, l'aventure peut continuer.

Il ne me reste plus qu'à rentrer au Centro à la nuit tombante par les mêmes boulevards grisants qu'à l'aller.

Buenos Aires reste pour moi une ville insaisissable ; les quelques monuments éparpillés au milieu de ses boulevards tous perpendiculaires et ses quartiers imbriqués les uns dans les autres sans discontinuité me donnent l'impression d'une ville sans limites, et ça me plaît.
Un endroit plus à vivre peut-être qu'à visiter.

Je parcours donc la ville à pied ou à vélo sans itinéraire précis et découvre ses quartiers et ses musées un peu par hasard au fil de mes pérégrinations.

 casa Rosa

 avenue du 9 juillet

plaza San Martin

place des Nations Unies ; 
la Flor en métal ouvre ses pétales tous les matins à 8h

musée des Beaux-Arts

 place du Congrès


les quais...












Buenos Aires devait être ma ville de départ pour ce périple américain. Mais le cargo depuis le Havre faisait escale en Afrique et le coût de la traversée doublait.
J'ai donc opté pour une arrivée au Brésil. Trois mois sont passés depuis mon départ de France : déjà un voyage en soi.
Mais la route est encore longue et cette première étape fait figure de préambule au regard de ce que j'espère accomplir comme chemin.

Demain je file vers le sud vers des espaces plus déserts. Je vais rentrer dans une phase où les connexions risquent d'être plus rares. Je consacre encore beaucoup de temps à la mise à jour du site. Il va falloir que je me réadapte.
Le blog va devenir plus silencieux. Merci en tout cas à ceux qui y ont laissé des commentaires, ainsi qu'à ceux qui m'envoient des messages privés, auxquels j'essaie d'y répondre au mieux.

Une dernière pensée à l'équipage philippin du Sambhar qui doit vivre des moments pénibles.