jeudi 27 mars 2014

Puerto Montt

A Chacao, en prenant le bac pour le continent, je quitte Chiloé avec en tête cette dernière image du « chiliweke », forme hybride du guanaco, qu'ont domestiqué les premiers habitants sédentaires de l'île, les Huilliche, un peuple de la famille des Mapuche.


En débarquant avec leurs moutons les Espagnols ont peu à peu provoqué l'extinction du chiliweke. Au fil du temps, Européens et Amérindiens se sont mélangés pour former un peuple métissé dont les Chilotes sont aujourd'hui les descendants.
L'artisanat que les Huilliche avaient développé autour de la laine du chiliweke fut transféré à la laine du mouton : le métissage culturel fut donc total pour donner à l'archipel son particularisme qui est souvent la marque des peuples insulaires.

En longeant le Golfe d'Ancud vers le nord par les pistes qui relient entre eux les villages – Colaco, Calbuco, Huelmo – je ne me sens pas si éloigné de Chiloé, même si le relief moins accidenté me permet de cycloter plus à mon aise.

golfe d'Ancud
Colaco : coucher de soleil sur l'océan (il y avait longtemps)




C'est l'été indien à Calbuco ; la petite ville se donne de vrais airs de vacances...










Volcans et pisciculture autour de l'anse de Huelmo



 

L'entrée à Puerto Montt par son port industriel est par contre un vrai changement pour la rétine auquel je n'étais plus habitué.


Heureusement je suis interpellé au marché artisanal du port par un guerrier Indien plus vrai que nature.


Bon, quand il me dit qu'il s'appelle Pedro j'ai quelque doute sur son authenticité. Mais son envie de dynamiter toute la côte urbanisée de Puerto Montt pour redonner vie à la forêt de ses ancêtres n'est-elle pas assurément un gage de son appartenance à la lignée des Mapuche ?


J'ai bien essayé de poser en Maori faisant le Haka, mais il était tellement sérieux à jouer son personnage que j'ai un peu raté mon effet ; mais je me suis bien marré.

Moins dangereux, et plus sympathique, je croise le troisième cycliste japonais de mon parcours, ami des deux précédents croisés auparavant. Il est parti du Japon il y a deux ans pour un tour du monde ; après l'Asie du sud-est et l'Océanie, le voici en Amérique, où il compte gagner en juin le nord du Brésil pour voir jouer le Japon contre la Grèce et la Côte d'Ivoire.
En attendant il profite de ses pauses pour travailler son swing.


Mais quand il prend son air de guerrier samouraï domptant le feu, j'espère qu'il ne croisera pas la route de Pedro : les maisons de Puerto Montt pourraient en prendre un coup.


Il utilise un réchaud à bois, mais se sert quand le temps est humide de son petit réchaud à alcool artisanal, à gauche sur la photo ; deux fonds de canettes empilées l'une dans l'autre et le tour est joué.


Pour gagner un peu de temps il rejoint Santiago par la 4 voies.

Puerto Montt constitue pour moi une halte plus longue.
La roue arrière fait des bruits étranges ; je la dépose donc à l'atelier pour un nettoyage en règle du moyeu, qui en a vu de toutes les couleurs depuis le début du voyage.
Mais Paulo me fait le coup du panneau français situé avant le franchissement d'une voie ferrée à double sens en le remaniant à sa sauce : « attention une crasse peut en cacher une autre »
En reprenant le vélo en effet le lendemain il subsiste un bruit, à peine perceptible, qui vient plutôt de la transmission. C'est donc parti pour un nouveau nettoyage...

Ayant pris un peu de retard je réserve une place pour le ferry qui rejoint Chaiten dans la nuit de jeudi à vendredi ; j'avais prévu à la base de rejoindre cette ville depuis Castro, à Chiloé, mais la liaison n'existe qu'en janvier et février.
Il me reste donc du temps pour visiter Puerto Montt, qui n'offre pas grand chose à voir. Mais sa position au nord du golfe d'Ancud en fait malgré tout une étape plutôt agréable.

sculpture du front de mer haute de 6 mètres



 église jésuite, 1871

 de nombreux Malls parsèment la ville


un chaton très curieux et très joueur

Puerto Montt vaut surtout par ses nombreux parcs naturels qui l'entourent ; c'est donc un peu frustrant de rester consigné en ville.

Prendre son mal en patience avant de reprendre la route vendredi... 




vendredi 21 mars 2014

Chiloé Norte

A Chiloé, chaque partie de l'archipel correspond à un type d'artisanat. Dalcahue ne déroge pas à la règle. On y trouve à l'intérieur et autour de sa feria artisanale chaussettes ponchos et pulls en laine de mouton.




A peine ais-je le dos tourné que Paulo en profite pour draguer !


Un bac permet de gagner la petite île de Quinchao. Je me rends d'abord tout au sud, où l'église du village de Quichao surprend par ses dimensions : c'est la plus grande de l'archipel.


 baie de Quinchao

Pour visiter l'intérieur, il faut trouver les clés. Après enquête le jeu de piste me renvoie à la maison située en haut de la côte que je viens juste de descendre. J'avoue qu'une fois remonté, la perspective de refaire une deuxième fois la même grimpette ne m'échaude guère. Car chaque côte de l'archipel est un peu comme une rasade du plus fort des alcools locaux : « c'est du brutal ».





Je reviens sur mes pas jusqu'à Achao ; mais l'église est fermée le lundi. Un petit coup d'oeil par la fenêtre me donne malgré tout un petit aperçu de l'intérieur.



Puis à Curaco de Velez, la superbe église bâtie en 1901 a malheureusement été détruite par un immense incendie en 1971 ; le temple moderne qui la remplace n'a rien de sa splendeur.


En prenant la piste côtière qui remonte vers le nord de belles vues se dégagent sur les parcs ostréicoles et les élevages de saumon de l'Antarctique initiés à partir des années 1980 sur le modèle scandinave.




Tout Chiloé semble être résumée sur cette petite île de l'archipel, entre tradition et modernité.
Les routes bitumées ont facilité le désenclavement. Eau potable, électricité, moyens de télécommunications sont présents dans chaque foyer.
De petites entreprises dont l'activité est tournée vers les ressources halieutiques jouent la carte de l'international et intègrent le jeu complexe de l'économie mondiale.

Mais la vie de Chiloé tourne aussi de façon plus traditionnelle autour du « madera », le bois.

Toutes ces églises construites entre le 19ème et le 20ème siècles ont été initiées grâce au savoir-faire de charpentiers organisé autour de l'école chilote d'architecture religieuse. Etablies au bord de la place principale, elles se reconnaissent par leur forme basilicale, leur portique et leur clocher-tour qui servait aussi de phare, et sont inscrites pour la plupart au patrimoine de l'Humanité.


Ce même savoir-faire a été utilisé pour la construction de ces belles demeures du 19ème siècle que l'on trouve à Curaco de Velez.



Aujourd'hui les maisons en bois ne sont plus bâties avec le même art, mais les Chilotes qui les habitent semblent pouvoir y vivre en totale autarcie, avec le bois de chauffe (appelé « leña ») qui protège du froid et vaches, cochons ou poules qui en plus du lopin de terre cultivé (et parfois de façon très traditionnelle) assurent l'alimentation.
Passer la nuit dans la petite ferme de Ninla fut d'ailleurs bien agréable, à côté du pressoir à pommes dont le moût fraîchement pressé dégageait des fragrances lénifiantes.




Entre bocage et littoral, je finis ma progression vers le nord de la grande île à Ancud, qui fait office de capitale.

Quemchi

Lliuco

Les restes des petits forts espagnols nous plongent à l'époque de la guerre entre l'Espagne et la Hollande pour le contrôle des routes maritimes.



 La réplique de « l' Ancud » est le témoignage d'une course de goélette du 19ème siècle remportée de justesse par les Chilotes au dépens de la France.
Partie du port où elle est exposée le 22 mai 1843, quatre mois de navigation téméraire lui seront nécessaire pour arriver le 21 septembre au détroit de Magellan et assurer ainsi la souveraineté du Chili sur ces latitudes australes ; la corvette française le « Phaeton » débarquera sur ce même lieu un jour trop tard !


A côté de l'Ancud le squelette de cette baleine bleue longue de 24 mètres échouée en 2005 sur une plage de l'île fut reconstitué après un travail minutieux.


Ainsi s'achève ma visite de Chiloé, sous le soleil en plus : seuls trois jours de pluie continue, le temps fut plutôt conciliant.

un lama, sur Chiloé ?! (Curaco de Velez)

je savais bien que Chiloé avait quelque chose à voir avec la Terre du Milieu

 pas farouche, et surtout très gourmand ce chat d'Achao

poubelle, boîte aux lettres, ou vrai pot de lait ? (Linao)


ANCUD : ancienne cathédrale, avant...
 
...et après le tremblement de terre de 1960

nouvelle cathédrale, dont le clocher n'est pas encore terminé

 séance DVD ce mercredi au musée : un drame brésilien sous fond de coupe du monde de 1970:
nous serons 6 spectateurs dans cette petite salle de 21 fauteuils


 basilique et sorciers : la mythologie chilote a parfois des faux airs de Poudlard


je pensais trouver un cinéma ici, mais ce n'était qu'un bar

"notre île ne se vend pas ; elle se défend"