samedi 25 avril 2015

au fil de l'Orne



Coutances fait partie de ces villes que je situe sur une carte qu’une fois y être passé. La montée vers le centre fut sévère mais la belle galerie de colonnes de la cathédrale ainsi que le jardin botanique fit office de récompense.




Je file désormais vers le sud. Ce n’est pas parce que je n’ai pas trouvé de job d’été que je me sens obligé de faire la Manche.
Du château de Gavray qui changea souvent de main entre Français et Anglais ne reste plus que les fondations. Reste l’imagination pour reconstruire ce que put être cette place forte.

ruines de Gavray


Pas plus de chance à Mortain où le château fut démantelé en 1378 sur ordre de Charles V. Mais la petite ville a d’autres atouts comme son Abbaye Blanche, ou sa cascade chutant de 25 mètres, la plus grande de l’ouest.
 

Il me faut rentrer dans l’Orne à Domfront pour trouver une citadelle du 11ème siècle un peu mieux préservée. On parle certes toujours de ruine mais le donjon ainsi que son enceinte dominant de 70 mètres la cluse de la Varenne en imposent encore.


La petite cité médiévale bordée de ses remparts au sud est charmante et l’étonnante église St Julien bâtie en 1924 en béton armé (pour des raisons financières) surprend par sa décoration intérieure d’inspiration byzantine.





La voie verte récupérée à Mortain s’achève à Flers avec son château de facture plus moderne.



Je retourne sur mes pas pour m’installer une journée au bord de la Varenne.
Le vent de nord-est que je subis depuis Coutances me gêne plus par sa froideur sibérienne que par la force de ses rafales. Cette petite bise a réanimé les braises d’un rhume que je croyais réduit en cendre et m’oblige à une pause.

Le site me rappelle Piquet. La rivière se mue en petit torrent dans un cadre idyllique où une belle tapisserie violette de fées clochettes sert de cache mystérieuse aux Gobelins qui paraît-il hantent les sous-bois.



Les ruines ne sont pas des filatures comme sur les bords du Yon mais les vestiges d’une fonderie qui produisait jadis le fer.
Du haut fourneau, des roues à aube ou des soufflets actionnés par la force de la rivière canalisée dans les biefs, il ne reste plus que quelques pierres. La nature a repris ses droits et on ne soupçonne quasiment plus rien de l’étrange activité qui animaient ce bocage, du 16ème siècle jusqu’en 1866.

Le doublement de ma ration de pamplemousse rose n’a pas d’effet immédiat sur l’état de mes bronches.
J’annule la montée au signal d’Ecouves, l’un des plus hauts sommets du massif armoricain qui a l’outrecuidance de ne pas se trouver en Bretagne, et gagne directement Argentan, tranquille sous-préfecture au bord de l’Orne.

Argentan, la ville à la campagne


A quelques encablures, mais dans le Calvados, la petite cité encore close de Falaise est dominée par le château fort dans lequel naquît Guillaume le Conquérant.
Tout n’est pas d’époque dans ces murs mais l’âme du célèbre normand du 11ème siècle y plane encore.



Guillaume le Conquérant


Et quand on entre dans Caen on ne peut être que séduit par l’immensité de la citadelle que ce même Guillaume fit bâtir en 1060 et qui devint la résidence favorite des ducs de Normandie, puis des Rois d’Angleterre.
Là aussi l’architecture se mélange sur près d’un millénaire, mais la salle de l’Echiquier où se réunissaient les seigneurs normands a laissé de telles traces dans le souvenir des Anglais que de nos jours le Ministre des Finances britannique porte le titre de Chancelier de l’Echiquier.

Caen : château

salle de l'Echiquier

Caen : Abbaye-Aux-Hommes

Caen : Abbaye-Aux-Dames
 

Difficile de trouver région française plus anglophone que la Normandie, d’autant que le Débarquement qui y eut lieu en 1944 et qui vit mourir nombre de soldats américains, canadiens et britanniques sur ses plages a tissé des liens irréversibles.

Pegasus Bridge : les premiers Canadiens à Débarquer y furent parachutés


J’achève quant à moi ma promenade à Ouistreham, où le cordon dunaire de la Pointe su Siège marque l’entrée de l’Orne dans son estuaire.

estuaire de l'Orne



Des voies vertes qui empruntent le tracé des anciennes voies ferrées, ouvrant un paysage figé dans la fin du 19ème siècle, aux plages touristiques du Calvados, cette balade ornaise fut en tous points raffraîchissante.

Normandie...




Ouistreham


samedi 18 avril 2015

Virée sans Galère



Mon retour à Quiberon en mode recherche job d’été ne fut pas un succès. Après avoir écumé le remblai je finis ma tournée des Grands Ducs par le Sofitel. Les portes de service étant closes je passe par l’entrée des artistes et me trouve dans le grand hall nez à nez avec Jean-Pierre Coffe. N’étant pas un habitué du Leader Price je n’ai pas de réclamation personnelle sur la qualité des produits qu’on y achète ; dommage j’avais le service commercial sous la main.
L’obséquieux maître d’hôtel en tenue de gala finit d’accompagner son illustre client vers sa Suite puis se retourne vers moi en claquant les talons. Le sourire de façade se mut en sourire de marbre. La différence est subtile mais la gestuelle plus sèche est sans équivoque. En quelques secondes mon cv glisse dans un coin de la réception et sera remis sans faute à qui de droit.

Je traverse la route pour retrouver le camping municipal. Amusant de voir se côtoyer des emplacements à quelques euros et des chambres de luxe à plusieurs zéros.
Je profite néanmoins de mon logement low cost pour admirer le coucher de soleil sur Belle-île.


au large, Belle-Ile



L’arrière pays privé de la mer attire moins les regards. On y fait pourtant de belles rencontres.
Les fragrances qui chatouillent mes fosses nasales et qui éveillent mon appétit à peine suis-je entré dans le bourg de Saint-Guyomard m’annoncent que la boulangerie artisanale est bien ouverte. J’y retrouve Ewa, croisée sur le marché d’Auray du samedi, qui tient boutique dans ce petit village breton accroché aux landes de Lanvaux.
Les différents types de pains ou brioches sont défournés sous les yeux des clients et livrés tout chauds.

le fourà bois

De la pâte parfois malaxée à la main jusqu’à la cuisson tout est réalisé ici de façon bio. Comme à Logodec marchés et Amaps sont une source de revenu essentielle pour rémunérer tous les efforts consentis.
Alors si un jour vos pas vous mènent à Saint-Guyomard vous saurez désormais où faire une pause gourmande !


Etienne et Ewa

Etienne est féru d’histoire. Il m’indique comment récupérer la voie romaine qui rejoint en ligne droite le Roc Saint-André.
Les contemporains de Jules César ne s’embarrassaient pas de chemins sinueux épousant les rives des cours d’eau. Les routes suivaient l’avancée des cohortes et étaient construites au rythme de 50 kilomètres par jour. Les essieux des chars ne pouvant pivoter seule la ligne droite était possible ; toute l’ingénierie romaine était sollicitée pour réaliser ces voies dont certains tracés sont encore utilisés de nos jours.

voie romaine : droit et sportif


voie verte Questembert-Mauron

printemps

  
Ploërmel, au milieu de la voie verte reliant Questembert à Mauron, a un passé plus moyenâgeux. L’ancienne cité fortifiée ne possède plus que la tour des Thabors pour se défendre. Peu importe. L’église St Armel témoigne sur son Portail Nord de l’imagination parfois débridée à laquelle se laissaient aller les artistes de la Renaissance.




Plus proche de nous, de 1850 à 1855, le Frère Bernardin construisit une horloge astronomique possédant dix cadrans ; l’aiguille de l’un d’entre eux fait sa révolution en … mille ans ! Donner un rendez-vous galant à la demi quand il est le quart peut révéler quelques surprises…

cadran 10 : la petite aiguille noire compte les siècles


De Vitré à Fougères j’entre dans le pays des Marches, zone tampon où les seigneurs bretons fortifièrent ces places pour se protéger des velléités de conquête des Rois de France.


Vitré

Fougères est à ce titre remarquable, avec son beffroi du 14ème siècle, unique en son genre dans la région. Ville d’écrivains, Balzac y situe un épisode de « Chouans », et Chateaubriand y vécut chez sa sœur dans la rue qui porte aujourd’hui son nom.
Quant à Victor Hugo il ne cessait de questionner ses amis sous forme d’injonction : « Allons ! Vous n’avez pas encore visité Fougères ? » 

Fougères...

beffroi 14ème siècle



Avranches, en Normandie déjà, est sur son promontoire un peu en désordre, après avoir subi les affres de la Révolution et les destructions de la Seconde Guerre Mondiale.

La vue du Mont Saint-Michel depuis le jardin botanique est imprenable.

  
En me retournant après avoir pris ce cliché ce même paysage est reproduit sur une toile. Un peintre a posé son chevalet en retrait du chêne pour capter en cette fin d’après-midi orageuse sa vision de la baie. Je n’en n’aurai qu’une idée imparfaite mais recollerai par morceaux le tableau de l’artiste en continuant ma route vers la pointe du Grouin et en jetant des œillades vers le rivage pour photographier mentalement ce Monument de France.




Le Roc de Granville avec ses demeures en granit de Chausey fut fortifié pour surveiller la baie. En 1793 les contre-révolutionnaires vendéens y achèvent dans la consternation leur folle « virée de Galerne » après avoir constaté l’absence de l’aide anglaise. L’armée catholique et royale s’en retourne au sud de la Loire dans une débandade inévitable.

 
côte Granville

Haute Ville


Pour moi cette virée de Quiberon à Granville ne réserve pas d’autre galère qu’une dernière journée passée sous une pluie d’orage me rappelant la fraîcheur quotidienne du voyage à vélo. Je poursuis même plus au nord en m’offrant un dernier bivouac sur la plage à l’abri du vent d’est où les oiseaux marins viennent se régaler d’un dîner sur l’estran.