jeudi 1 octobre 2015

Cathédrale du Bessin

On ne pourrait pas imaginer Bayeux sans sa cathédrale. L’œuvre de pierre colossale annonce sa silhouette caractéristique depuis les petites départementales du Bessin bien avant qu’elles ne convergent vers la capitale.



Le site était occupé bien plus tôt par la tribu gauloise des Bajocasses. Les druides y encensaient Belenos, le dieu du Soleil, sur le Mont Phaunus, par Toutatis ! 

Lorsque Odon, demi-frère évêque de Guillaume le Conquérant, décide la construction d’un premier sanctuaire consacré en 1078, il y a longtemps que les premiers évangélisateurs ont christianisé la région.
Du premier étage de la nef et de la crypte romane du 11ème siècle, jusqu’à la croix posée sur l’octogone supérieur de la tour centrale en 1981, le vaisseau a pris son temps pour nous restituer sa forme actuelle.




Le visiteur de passage à Bayeux ne peut qu’imiter Théophile Gautier : « résister à une cathédrale est au-dessus de nos forces, et nous passâmes la journée à examiner celle-ci ».

Gustave Flaubert en fit une description télégraphique : « Crypte curieuse ; piliers romans trapus ; restes de fresques, anges musiciens jouant plusieurs instruments. Un Saint-Joseph statuette de bois qui ressemble à un Bouddha japonais ; n’a pas de menton ».

Edouard Herriot est moins conquis : « cette crypte est même préromane. Ses voûtes tombent lourdement sur les colonnes ; l’artisan de ce temps ne sait même pas sculpter l’acanthe ; il se contente de sommaires godrons ». Il continue fraîchement : « le dôme parait sans valeur comme sans raison. Il gâte, il écrase la belle enveloppe du chœur, le pur dessin de l’abside flanqué de légères tourelles à clochetons ». Mais il finit par une note plus élogieuse, sans pouvoir s’empêcher néanmoins de dénigrer ses contemporains ! « L’art du 13ème siècle, par l’habileté avec laquelle il a complété les tours, donne une sévère leçon à quelques goujats savants de notre âge ».

Autour de la cathédrale le vieux centre médiéval incite au travers de ses ruelles tortueuses à la découverte du patrimoine bâti : hôtels particuliers ou maisons-tours.


rue de la Maitrise





maison-tour



La ville de Guillaume aurait pu devenir capitale de région, mais Saint Louis lui ôte sa primauté de juridiction au profit de Caen, et la fige pour toujours dans son statut actuel de sous-préfecture.
Mais capitale du Bessin, c’est déjà bien. C’est dans cette « vaste prairie laitière frangée de falaises friables que Bayeux a puisé ses ressources et sa raison d’être ».

Par la rade de l’actuelle Port-en-Bessin les Vikings envahirent la région. Ils n’eurent qu’à remonter le cours de l’Aure, petit fleuve côtier qui a la particularité de disparaître pendant deux kilomètres sous le calcaire avant de jaillir directement dans la mer.



Port-en-Bessin


Cette région essentiellement tournée vers l’agriculture s’articule autour de « fermes carrées, vastes comme des cloîtres, aux granges hautes comme des nefs, fermées sur leur cour où l’on pénètre encore par une large arche dont un quadrilatère imperméable aux vents est dressé contre les coupe-jarrets dont l’isolement encourageait les œuvres ». (Jean-Yves Ruaux in « Bayeux et le Bessin »)



ferme normande


On y trouve également de nombreux châteaux, dont le plus remarquable est peut-être celui de Balleroy, œuvre de François Mansart.





Il fut racheté en 1970 par l’éditeur américain Malcolm Forbes et appartient toujours à sa famille. Un de ses fils, féru d’histoire européenne du 19ème siècle, y a dédié la décoration d’une des chambres d’apparat à Napoléon.
Le Prince Charles himself en visite dans la région y a dormi. Le tableau représentant Waterloo lui a sans doute beaucoup plu. Mais on s’est bien gardé de lui dire que le grand portrait de Napoléon ayant le pied sur un fauve représentait la domination de l’Empereur sur l’Albion : le futur ( ?) roi d’Angleterre s’est reposé toute une nuit sous un tableau représentant la victoire posthume du plus célèbre des Corses sur son ennemi intime … shocking !

A part quelques carrières, l’industrie est reléguée au passé, à l’image de la mine de charbon de Littry, dont le minerai extrait était utilisé pour la fabrication de la chaux vive utilisée dans l’amendement des terres agricoles, et qui fut d’un intérêt évident dans cette région propice à la culture.




En quittant le Calvados par Isigny, où l’immense usine transformant le lait ne fait aucun doute sur la vocation agricole du département, une incursion dans la Manche dévoile l’existence d’une activité industrielle plus récente.


Port-Bail


sur le plateau de Jobourg, le centre industriel de La Hague


Passé Port-Bail et les plages du Cotentin qui incitent à la baignade, Flamanville dont le nom assure à lui seul la légende, retient le voyageur.
Car avant de devenir l’un des fleurons du nucléaire français il y eut à partir de 1856 sur ce rivage escarpé l’épopée extravagante de la mine de fer de Diélette.
Situés à quelques encablures des côtes les gisements accaparèrent les esprits pour, grande première à l’époque, tenter d’exploiter des veines sous-marines. Malgré l’ingénierie mise en place le continuel envahissement des galeries par l’eau de mer contribua aux échecs successifs de l’entreprise, jusqu’à l’arrivée de l’Allemand Tyssen qui finit par la rendre rentable.

Comme dans le Nord les gueules noires marquèrent de leur empreinte ce bout de Manche, et le coron de la Cité Sainte-Barbe vit le jour. La vie des mineurs s’accommoda de la méfiance des paysans jusqu’à la fermeture définitive du site en 1962.
« Notre coup de grisou, à nous, c’était la poche d’eau qu’on libérait d’un coup et qui pouvait nous noyer. C’est arrivé plus d’une fois. Et dans ce cas-là, il fallait vite foutre le camp et refermer la porte de serrement derrière nous » (in « Flamanville, tranches de vie » de Lise Gavet et Stéphane Jiolle)  

Plus tard, lorsque l’ingénieur chargé de la construction de la centrale nucléaire sur le site même de l’ancienne mine décida d’inviter les survivants à retrouver pour une dernière fois leur vie passée, il ne s’attendait pas à leur réaction ; aucun ne reconnut ce qui fut leur existence : la mine de Diélette n’appartenait plus qu’aux fantômes.
L’atome pouvait désormais remplacer la ferraille…

Au bout du département Cherbourg est la porte des îles britanniques.




Difficile de trouver plus anglo-saxonne que cette région de France. Car c’est la Basse-Normandie qui fut choisie par l’Etat Major allié pour la libération de l’Europe du joug nazi.
Les Allemands ont d’ailleurs toujours cru que ce Débarquement n’était qu’une manœuvre de diversion ; ils attendaient l’ennemi dans le Nord.
Il n’empêche : les soldats majoritairement nord-américains ou britanniques furent fauchés dans leur jeunesse en essayant de prendre pied sur les falaises depuis les plages d’Utah, d’Omaha, de Gold ou de Juno Beach.


Bayeux, cimetière britannique
Fontenay, soldat Willetts, mort à 19 ans


Les nombreux cimetières du Calvados rappellent leur sacrifice, tout comme les cérémonies qui se tiennent chaque année en juin, à Arromanches par exemple.


Arromanches, 6 juin 2015


port artificiel


"Oeuvre unique, le port artificiel se dressait en briseur de vagues, immense et résistant, pour acheminer troupes et matériel. Aujourd'hui, fissurés, les Phoenix abritent les oiseaux maritimes et les crabes"


Ce rivage a retrouvé depuis sa tranquillité et vit l’été au rythme des vacances.








Mais il n’est pas si éloigné le temps où la côte était un no man’s land délaissé par les hommes.
Lorsque la cathédrale fut construite après l’an mil l'une des tours fut flanquée d’un petit poste d’observation qui existe encore aujourd’hui.





L’idée était de surveiller la mer située à moins de dix kilomètres pour y anticiper d’éventuelles invasions.
A l’approche des forces alliées en 1944 les Allemands qui gardaient Bayeux prirent peur et s’enfuirent ; ne restèrent pour garder la ville que deux guetteurs postés au sommet de la tour nord : on avait oublié de les avertir.
La ville fut ainsi libérée sans combattre et, contrairement à Caen, Lisieux, Saint-Lô ou Cherbourg, fut préservée des destructions.
De Gaulle y tint sur la place qui porte aujourd’hui son nom son premier discours.


Bayeux, place de Gaulle


Les Alliés en firent une base pour déclencher la Bataille de Normandie. Comme les chars ne pouvaient pas circuler dans le vieux centre médiéval un boulevard périphérique sortit de terre grâce au Génie ; il ceint encore aujourd’hui la cité et a gardé son nom de « bypass ».






Cette fin d'été sonne le glas de mon travail saisonnier. 



Le job ne fut pas forcément une sinécure, mais m'a permis de me poser dans une belle région de France.

Château de Fontaine-Henri, au faîtage impressionnant

église champêtre

fêtes médiévales de Bayeux



une région de chevaux

abbaye de Mondaye, spectacle nocturne


basilique de Lisieux

Après la vélodyssée, Mam m'a cette fois-ci rejoint seule à Bayeux en suivant le récent parcours de la vélofrancette qui relie Caen à La Rochelle.
A défaut d'être patagon le vent fut malgré tout bien tapageur ; l'exploit n'en fut que meilleur !






Quant à moi il ne me reste plus en ce début d'octobre qu'à retourner danser. Les pattes me démangent.





















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